mercredi 22 février 2012

Les drôles de lotos de Djerba

Les Humeurs Mondialisées vous proposent une deuxième chronique djerbienne rédigée, non pas par leur épicier favori, mais par Roland, à ce jour leur "guest star" préférée.

Ils seront parmi des jujubiers sans épines
Le Coran (Sourate 56  - Verset 28)

Lors de son odyssée homérique, Ulysse aurait accosté à Djerba et dépêché trois de ses hommes pour tâter le terrain et lui trouver un hôtel.
"Mais, à peine en chemin, mes envoyés se lient avec les Lotophages qui, loin de méditer le meurtre de nos gens, leur servent du lotos. Or, sitôt que l'un d'eux goûte à ces fruits de miel, il ne veut plus rentrer ni donner de nouvelles." 
Ulysse dut les ramener de force sur le navire et les y attacher pour espérer rejoindre Pénélope.

Mais qu'est donc ce "lotos" (λωτός) aux propriétés si particulières ?

Le taxi et le guide djerbiens m'ont assuré qu'ils connaissaient parfaitement les Lotophages. C'est le bar le plus branché de l'île à Midoun.

Eliminons tout de suite le lotus du Nil ou lis d'eau (Nymphea Lotus) plante aquatique fort improbable dans ces contrées arides.

Les dattes m'ont paru un candidat possible. Des grecs traversant la Méditerranée pouvaient les rencontrer pour la première fois. Par ailleurs, c'est bien le seul fruit que je connaisse ayant le gout de miel.
Toutefois la seule palmeraie naturelle d'Europe étant située en Crète à Vaï, Ulysse ne pouvait ignorer les dattes. Même si les puristes pourront opposer que les palmiers de Vaï sont des Phoenix Theophrastii dont le fruit n'a pas le goût de celui des Phoenix Dactylifera de Djerba.

La réponse figure dans les Histoires d'Hérodote au livre IV. Le lotos est le fruit du jujubier sauvage (Zizyphus Lotus) que les tunisiens nomment aujourd'hui sedra. On a découvert, bien après le pit-stop d'Ulysse à Djerba, que le jujube lotus contient deux alcaloïdes, les lotusines, aux propriétés narcotiques ...
 
Soporifico-djerbiquement votre

Roland Goutay

Références
- Le séjour d'Ulysse à Djerba est controversé. Certains auteurs soutiennent qu'il aurait accosté près d'un promontoire du Golfe de Gabès.
- L'extrait de l'Odyssée d'Homère provient de la traduction française de Victor Bérard (Editions Les Belles lettres, Paris, 1924).
- Sur l'aridité de l'île des Lotophages, voir la précédente chronique djerbienne "A l'eau Djerba ?"
- Article Wikipedia sur le jujubier sauvage (Zizyphus Lotus)
- Article Wikipedia sur Vaï et sa palmeraie en Crète
- Article Wikipedia sur Hérodote et ses Histoires