dimanche 26 février 2012

L'essence est toujours plus verte dans le champ pétrolier du voisin - Chronique invitée

Voici une troisième chronique djerbienne rédigée par Roland, notre guest star préférée.

Depuis quelques mois, le sud de la Tunisie a vu s'installer au bord des routes de nouvelles échoppes florissantes. Pas besoin d'un bâtiment en dur, ni de droit au bail pour obtenir un pas de porte. Plus rapide à créer qu'une boutique en ligne sur eBay, moins de formalités à accomplir que pour un auto-entrepreneur. Quelques tréteaux et une planche suffisent pour ce lancer dans ce commerce d'un nouveau genre.

Les impétrants veillent cependant à appliquer scrupuleusement le précepte de Rockfeller, recommandant de prendre en compte trois critères pour l'établissement d'une boutique : en premier l'emplacement, en second l'emplacement, en troisième l'emplacement …
Les plus convoités sont les carrefours des grands axes munis d'un rond point obligeant les véhicules à ralentir, à la seule condition qu'ils ne soient pas temporairement occupés par la police ou le service des douanes.

Les fournisseurs, eux aussi, s'attachent à assurer une logistique sans faille à leurs clients à l'aide de camions citerne vert de gris arborant de mystérieuses plaques d'immatriculation libyennes, sans doute entrés à la faveur d'âpres négociations tarifées.
A peine la frontière franchie, une noria de Peugeot 404 bâchées vient siphonner les cuves de leur précieux contenu de couleur verte pour en remplir des jerrycans transparents de cinq litres, laissant entrevoir leur niveau de remplissage, bona fide du volume annoncé.

Empilés sur les étals de bord de route précités, ces bidons font le bonheur d'automobilistes trop heureux d'en remplir à leur tour leurs réservoirs, au nez et à la barbe du fisc tunisien et des stations-services acquittant dûment leurs taxes.
Bien sûr, il arrive que des vendeurs peu scrupuleux complètent, pour faire bon compte, l'essence avec de l'eau, mais au prix d'un dinar tunisien le litre (environ un demi Euro), qui s'en plaindrait …

Pétrolo-djerbiquement votre

Roland Goutay