samedi 11 août 2012

La braguette du druide : du gaulois dans le français !

Suite à la récente chronique sur les mots d’étymologie arabe présent dans le français, @Lourcine – un twittonaute de mes relations – m’a rappelé que la langue de Molière comportait aussi des vocables d’origine gauloise.
Jules César et ses légions latines ne sont pas totalement venus à bout du parler de Vercingétorix.
Pour preuve, ce nouveau dialogue, toujours un brin érotique, où nous retrouvons le médecin et sa patiente, naguère étendus sur un divan et qui, désormais, se passent le celte.

– Bonjour druide !
– Bonjour chère Madame mais que dîtes vous la ? Druide ? Pourquoi pas ambassadeur ou palefrenier pendant que vous y êtes ! La dernière fois vous m’avez appelé « toubib » durant toute la consultation !
– Je vous appelle druide car vous êtes un vrai magicien ! Quel brio ! Grâce à votre traitement mes soucis de santé se sont envolés. Mon jarret est redevenu svelte et mes joues sont à nouveau roses. Envolées les tonnes de plomb qui pesaient sur mes épaules !
– Nous allons voir cela mais entrez donc ! Ne restez pas dans ce couloir malheureusement aussi sombre qu’un tunnel. Les ampoules ont grillé ce matin, je n’ai pas encore eu le temps de les changer.
– C’est vrai qu’il fait noir ici. Pour un peu on dirait un bouge empli de truands à la rouge trogne prêts à vous garroter pour un oui pour un non.
– Puis-je vous proposer une cervoise tiède que je garde dans ce pichet en étain. C’est une cuvée spéciale à base de blé que m’envoie un brasseur artisanal belge dont j’ai soigné la fille autrefois.
– Volontiers ! Une chaque visite vous me faites découvrir une nouvelle boisson. Hum ! Cette mousse est vraiment crémeuse.
– Une petite galette pour accompagner votre cervoise ?
Druide vous exagérez ! A force de me gaver ainsi je vais ressembler à un tonneau ! Moi qui étais presque chétive étant jeune !
– Allons, allons ! Un de mes slogans favori est « un petit plaisir n’est jamais gaspillé ». Et ces vacances alors ?
– Excellentes ! Mon mari a passé son temps à photographier des chamois et des bouquetins dans un parc national en montagne. Il avait trouvé une petite combe recouverte de lande parfaite pour l’observation des animaux. Malheureusement, le dernier jour, le long d'un talus, il a glissé sur une souche de sapin cachée par les bruyères et s’est brisé l’orteil. Pendant ce temps, j’ai alterné entre une cure de bains de boue le matin et des ballades sur les chemins alpestres l’après-midi à glaner quelques fleurs.
– En tous les cas, vous avez une mine superbe !
– Mais où est le divan sur lequel je me suis voluptueusement allongée la dernière fois ? Pourquoi l’avez-vous changé ?
– Un charpentier de mes amis s’est établi ébéniste. Pour l’aider à avoir un peu de boulot, je lui ai acheté ce nouveau canapé. Il l’a réalisé en n’utilisant que des essences nobles : érable, chêne, bouleau, if. Malheureusement, lors de son transport dans une camionnette encombrée, il a été rayé.
– Savez-vous qu’on peut estomper les rayures sur des panneaux de bois avec un mélange de poudre d’ardoise et de terre glaise ? Quoiqu’il en soit, le tissu lie de vin est superbe.
– Merci du conseil, je vais essayer. On m’avait suggéré de frotter avec des galets ou des cailloux mais je n’ai pas osé. Bon, assez parlé, il faudrait quand même se mettre à marner un peu ! Pourriez-vous retirer cette magnifique chemise à jabot afin que je vous examine ? Vous n’aimez guère vous vêtir de guenilles à ce que je vois !
– Où puis-je poser mes vêtements ? Sur cette claie ?
– Oui. Vous pouvez aussi les mettre sur cette vieille pièce de charrue que j’ai transformée en portemanteau.
Aaah ! A chaque visite vous me comblez ! Après le satin d’avant vos vacances, aujourd’hui sous vos braies à la gauloise jaillissent des jarretelles !
– Approchez-vous druide ! Durant mon séjour à la montagne, je me suis laissée bercer par l’idée de cette nouvelle visite. A chaque fois que je voyais mon mari, je me renfrognais et pensais à vous.
– Vos désirs sont des ordres ! Je serai votre valet !
– Venez plus près ! Il me semble que votre braguette a besoin d’être arrangée. On dirait que la fermeture éclair a déjanté.
– Je suis votre vassal !
– Couchez-vous donc sur ce drap car vous m’avez l’air d’être un sacré gaillard ! Que dis-je ? Un bouc, un bélier, une bête, une brute ! Je crains de ne pas y arriver si vous n’êtes pas allongé.
[La suite serait délectable. Malheureusement je ne peux pas la dire et c’est regrettable. Ca nous aurait fait rire un peu.]
– Afin de camoufler ces instants délicieux, de les mettre sous le boisseau, il me faudrait une nouvelle ordonnance ou, à tout le moins, une adaptation de mon régime. Sinon mon mari va flairer la magouille. S’il se met à creuser et qu’il découvre qu’ensemble nous passons les bornes, il est capable de me battre à coups de balai. Il que vous trouviez quelque chose qu’il soit capable de gober.
– Aucun problème, je vais vous rétablir la viande et le poisson dans votre régime. Je vous conseille donc le pâté de cheval et d’alouette, le mouton et le lapin de garenne. A cela vous pourrez ajouter de la limande et de la lotte. Sans oublier un peu de miel des ruches de votre cousin !
– Merci beaucoup ! Je suppose qu’il faudra que je revienne régulièrement pour un contrôle.
J’allais oublier de vous demander des nouvelles de votre fils à qui vous donniez des leçons d’algèbre. A-t-il eu son baccalauréat ?
– Oui il est bachelier désormais et s’apprête à passer le concours pour rentrer au ministère du budget.
– Bon, il se fait tard. Au revoir druide et à très très bientôt !
– Au revoir chère madame et revenez très vite. En carrosse, en luge, en chariot, en benne basculante, peu importe ! Revenez ! D’ici là je serai comme une terre en jachère, à vous attendre …

Gauloisement votre

Références et compléments
– Voir aussi la précédente chronique « Du satin sur le divan du toubib » où médecin et patiente prennent un malin plaisir à employer des mots français d’origine arabe.
– Comme le bouc – mon animal patronymique – et les bacchantes qui ornent mon visage n’ont pas suffi, je remercie le twittonaute « Olivier Dressayre / @Lourcine » de m’avoir remémoré qu’il reste du gaulois et du celte dans le français.
– Les mots indiqués en gras dans le texte ci-dessus sont d’étymologie gauloise ou celtique d’après le portail lexical du CNRTL.
Les quelques mots écrits en italique dans le dialogue ont une origine arabe et sont une réminiscence de la chronique « Du satin sur le divan du toubib ».
– Merveilles de la langue française et gauloiseries ne sauraient être évoquées sans Georges Brassens. En plus de l’extrait du « Gorille », le texte ci-dessus contient deux autres citations du barde de Sète que je vous laisse retrouver.