mercredi 27 novembre 2013

Rétablissons les niches fiscales d'antan

Les heurs et malheurs des niches fiscales ne sont pas sans rappeler la compétition jamais achevée entre le canon et le blindage.

En 1997, les partisans de l'artillerie ont réussi à abattre un des remparts les plus solides du code français des impôts en faisant la peau aux "déductions supplémentaires de frais professionnels".
Jusqu'à cette date, le percepteur diminuait sa note d'une vingtaine de pourcents pour une kyrielle de métiers qu'au fil du temps, les parlementaires, dans leur grande sagesse, avaient choisi de privilégier.

Si cette décision courageuse a incontestablement permis à l'équité de progresser, elle a insidieusement diminué la poésie et le folklore qui se nichaient naguère au cœur des réglementations économiques les plus austères.
Pour vous permettre d'apprécier ce patrimoine législatif et fiscal perdu, voici quelques unes des professions auxquelles l'administration des finances avait accordé un substantiel discount.

- Armuriers et limeurs de cadres de bicyclettes du département de la Loire.

- Ouvriers bonnetiers de la région de Ganges (Hérault).

- Brodeurs de la région lyonnaise utilisant des métiers pantographes, sans oublier les brodeurs de l'Aisne.

- Les internes des hôpitaux de Paris, que d'aucuns qualifient de brodeurs de l'aine.

- Émouleurs, polisseurs et trempeurs de la région de Thiers (Puy de Dôme).

- Tisseurs à bras de gaze de soie à bluter de la région de Panissières (Loire).

- Fabricants d'éponges métalliques du département de l'Ain.

- Ourdisseurs, bobineurs et caneteurs employés dans les tissages de la région de Fourmies, de Cambrai et du Cambrésis.

- Forgerons à domicile de la région de Hautes-Rivières (Ardennes).
Je tiens à préciser que les boulonniers de Levrézy et Braux, bourgades situées à quelques kilomètres de Hautes-Rivières, n'ont jamais bénéficié d'une quelconque mansuétude de la part du fisc.

- Ouvriers mineurs travaillant au fond des mines.
Hors de question d'exonérer ceux qui, détournés de leur art géologique, oseraient exercer leur travail dans un aéronef.

- Chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels ainsi que les conducteurs démonstrateurs et conducteurs convoyeurs des entreprises de construction d'automobiles.

- Choristes.

- Pilotes et mécaniciens employés par les maisons de construction d'avions et de moteurs pour l'essai de prototypes.
Personnellement, je regrette quelque peu que les libéralités fiscales n'aient jamais été étendues aux essayeurs de prototypes de matériel électrique.

Forgerons, mouleurs, monteurs et polisseurs employant un outillage mécanique dans le cadre des fabrications de matériels médico-chirurgical et dentaire et de coutellerie de la région de Nogent-en-Bassigny (Haute-Marne).

- Speakers de la radiodiffusion télévision française.

- Ouvriers scaphandriers.

- Piqueurs non propriétaires de leurs machines et monteurs employés dans la fabrication de galoches de la région de Laventie (Pas-de-Calais).

- Éclaircisseuses, polisseurs et monteurs de pipes de la région de Saint-Claude (Jura).
Le lecteur attentif aura remarqué que les parlementaires, comme le prouve encore une actualité récente, sont, de tout temps, restés intraitables à l'encontre des travailleurs et travailleuses chargés du découpage et du chantournage de ces instruments pour fumeurs.

Fiscalement votre

Références et compléments
- Je remercie Laurence qui héberge son cheval, non pas dans une niche, mais dans une écurie d'avoir initié l'idée de cette chronique que je lui dédie.
- Le liste à la Prévert des professions ayant bénéficié jusqu'en 1997 d'une réduction substantielle d'impôt sur le revenu est consultable dans son intégralité à l'article 9 du rapport du Sénat de la République Française numéro 85 de 1997 rédigé par Alain Lambert.