dimanche 11 mai 2014

Plaidoyer pour un vote europhile

À en croire les sondeurs de nos cœurs et de nos âmes, les prochaines élections européennes devraient déboucher, un peu partout et particulièrement en France, sur la victoire des eurosceptiques, des europhobes et des pêcheurs à la ligne.
Le désintérêt, le désamour et même la franche détestation de l'Union Européenne tendent à devenir majoritaires.

Beaucoup d'entre nous estiment que, sans Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, les difficultés et les mutations que nous traversons seraient nettement moins pénibles, voire inexistantes.

Autant le dire nettement, mon opinion est strictement inverse.
Les institutions communautaires pourraient, certes, fonctionner nettement mieux. Mais vouloir se débarrasser du bébé en même temps que de l'eau savonneuse de la baignoire est rarement une bonne politique.

L'Europe, avec sa construction bancale et erratique, son jargon, son manque de leaders visibles et ses compromis tièdes, est compliquée à "vendre" et à aimer.
Le retour à un passé national mythique et les promesses de lendemains qui chantent une partition mal définie sont plus émotionnelles, mais aussi totalement illusoires.

Les "preuves silencieuses" ne sautent pas aux yeux.
Nous percevons plus nettement les problèmes de l'heure - chômage, inégalités, manque d'entrain et de croissance - que les catastrophes qui ne sont jamais survenues grâce à la construction européenne.

Daniel Cohn-Bendit, lors de son discours d'adieu au parlement européen en avril dernier, a exprimé, avec sa fougue et son talent oratoire, les arguments que je cherchais à rassembler dans une chronique depuis plusieurs semaines.

Plutôt que de continuer à écrire, je préfère céder la parole à un des rares hommes politiques transnationaux et polyglottes que l'Europe ait connu.
Son intervention dure une dizaine de minutes et mérite d'être écoutée d'un bout à l'autre.
Si vous ne disposez pas de ce laps de temps, je vous suggère le passage situé entre 3'30'' et 5'00'' où Daniel Cohn-Bendit raconte son histoire personnelle franco-allemande et rappelle que l'Union Européenne a "réussi l'invraisemblable" de rendre les guerres mondiales au cœur de notre continent impossibles.


Merci monsieur Cohn-Bendit, votre voix sincèrement européenne va nous manquer.

Toujours européennement votre

Références et compléments
- Deux autres vidéos sur les interventions de Daniel Cohn-Bendit au parlement européen de Strasbourg :
. le très beau discours de janvier 2011 sur la révolution de Tunisie où, emporté par l'émotion, Daniel Chn-Bendit appelle Mohamed Bouazizi "Monsieur Sidi Bouzid",
. un medley réalisé par le journal belge Le Soir de ses meilleures saillies au fil des ans.

- Sur le thème des prochaines élections européennes, voir aussi la chronique "lettre à Elżbieta Łukacijewska".

- L'expression "preuve silencieuse" provient du livre "the black swan / le cygne noir" de Nassim Nicholas Taleb.