dimanche 27 septembre 2015

Ich bin Volkswagen

​Depuis que Volkswagen s'est fait prendre en flagrant délit d'enfumage, tout un chacun s'offusque qu'une entreprise prestigieuse et sa direction aient pu commettre une telle tromperie.
Il n'y a pourtant rien de très surprenant. À notre échelle individuelle, chacun de nous, ou presque, est ou a déjà été un Volkswagen.
Je vous propose de juger sur pièce avec un exemple très éloigné de l'industrie automobile.



L'objectif de l'enseignement, de l'école primaire au lycée, voire au delà, est d'inculquer aux élèves des savoirs et des savoir-faire qu'ils pourront utiliser ensuite dans leurs vies personnelles, professionnelles et sociales.
Ainsi, l'apprentissage de l'anglais a pour but que nos chères têtes blondes soient capables de lire, écrire et converser potablement dans la langue de Shakespeare.

Toutefois, le système éducatif ne se contente pas d'enseigner.
Un peu pour lutter contre les tire-au-flanc, un peu pour ajuster l'effort pédagogique et beaucoup pour permettre aux usagers de se prévaloir d'une réussite, il contrôle aussi l'assimilation des connaissances par les élèves.
Cette nécessité discutable conduit à la création de règles du jeu plaisamment baptisées programmes scolaires et de manières normalisées de vérifier leur mise en oeuvre, les examens.

Très vite, ce mécanisme fait comprendre à chaque lycéen que l'important n'est pas d'apprécier les séries américaines en version originale ou de parler dans sa langue à un bobby britannique, mais d'avoir une bonne note en anglais au bac.

Les effets pervers sont immédiats.
Tout bachelier normalement constitué se concentre exclusivement sur le vocabulaire, la grammaire, les textes et les tournures "au programme" et néglige allègrement les autres facettes de l'idiome de Bill Gates.
Pour preuve, à l'été 2015, nombre de lycéens français ont protesté sur Facebook d'avoir eu à faire face à la présence inattendue du verbe to cope dans une question de l'épreuve d'anglais du baccalauréat.

Les élèves les moins confiants et les plus travailleurs s'échinent même à répéter les exercices spécifiques de l'examen.
Ce "bachotage" constitue le début d'une vaste zone grise aux contours incertains.
Malgré une différence réglementaire, il n'y a pas d'écart de nature entre apprendre par coeur des phrases entières et dissimuler dans une calculatrice la liste des verbes irréguliers.
Aucun de ces deux subterfuges n'est utile pour valablement converser avec Barack Obama ou la Reine d'Angleterre.
Pourtant le "bachotage" est encouragé par les professeurs alors que la triche est presque unanimement décriée.

Personnellement, je ne souscris pas à cette séparation.
Les référentiels possèdent, certes, une utilité mais nous leur accordons une importance qu'ils ne peuvent avoir.
Nos professeurs de physique et de philosophie - probablement trop focalisés sur nos notes - n'ont pas réussi à nous inculquer leur limite : il n'est pas de mesure qui ne perturbe le système qu'elle observe.
Mieux même, plus une mesure est précise, plus, paradoxalement, elle génère d'incertitude.
Ne pas se souvenir qu'une norme déclenche inévitablement des effets pervers aux antipodes de ses objectifs conduit à de graves désillusions.

J'appelle donc les personnes s'étant présentées au moins une fois à un examen avec une anti-sèche - j'en fais partie - à se solidariser illico avec les ingénieurs et dirigeants de Volkswagen.
Ces derniers - soucieux de rentabiliser l'investissement que la collectivité a effectué naguère dans leur éducation - n'ont fait qu'employer dans leur travail les connaissances et, surtout, les méthodologies, longuement répétées durant leur scolarité.

J'arrête ici cette chronique car je dois filer acheter une Golf Diesel pour manifester mon soutien à Volkswagen.
La fille d'attente, comme en janvier dernier avec Charlie, promet d'être longue devant les concessionnaires.

#IchbinVolkswagen

Dieseliquement votre

Références et compléments
- Voir aussi sur le même thème la chronique "plaidoyer d'un chauffard en faveur de Volkswagen".
À propos de l'enseignement de l'anglais au pays de Molière, voir le billet "Combien de gaulois entravent le rosbif ?".

- Les personnes souhaitant soutenir financièrement Volkswagen afin de l'aider à franchir ce cap difficile peuvent envoyer leurs dons à Humeurs Mondialisées qui les transmettra à la firme de Wolfsburg.

- Le verbe anglais to cope signifie faire face.