samedi 19 décembre 2015

Comment sexuer sans sexualiser ?

​Contrairement à ce que pense le grand public, la profession de dessinateur de pictogrammes est une des plus exigeantes qui soit, bien plus que commando parachutiste, astronaute ou chirurgien cardiaque.
Je vous propose d'en juger par vous-même avec un exemple vécu récemment.

Alors que, dans ma bonne ville de Grenoble, j'étais de passage dans un bâtiment public tout neuf "dédié à l'enseignement supérieur et à la recherche", un appel peu répressible de la nature m'a conduit à rechercher des toilettes.
Assez rapidement, j'ai dégotté, au fond d'un hall - plaisamment baptisé agora - deux portes identiques ornées de quelques traits du meilleur aloi.


Si manifestement, les chiottes se trouvaient bien là, comprendre quel huis je devais franchir pour satisfaire mes besoins sans heurter les bonnes mœurs n'a pas été immédiat.
Les WC réservés aux hommes se situaient-ils derrière un V à l'envers surmonté d'un O et reposant sur deux L minuscules ou bien derrière le même hiéroglyphe avec un U retourné ?

Fort heureusement, une étudiante aux cheveux courts, en manteau et en pantalon a franchi la vantail orné d'un V tête bêche m'indiquant ainsi que je devais suivre le U inversé.

Une fois ma vessie soulagée, mon esprit ainsi libéré a pu prendre la mesure du défi auquel fait face l'auteur de pictogrammes.

Le plus simple, pour lui, serait de désigner les genres par une reproduction plus ou moins stylisée des organes génitaux.
Cela aurait le mérite de la simplicité et de l'efficacité mais risquerait de mettre en péril pudeur et ordre public.
Pire même, cela rabaisserait le designer au niveau du collégien tourmenté taguant le mur des gogues avec des graffitis de braquemarts et de nichons.

Remplacer les dessins par les mentions écrites hommes et femmes serait une fausse bonne idée.
Les personnes ne maîtrisant pas la langue de George Sand seraient désorientées et le dessinateur perdrait sa raison d'être.

La manière employée de longue date par les créateurs de pictogrammes consiste à ne conserver que la représentation des signes extérieurs de genre que la société a développé au fil du temps.
Cheveux longs ainsi que jupes ou robes signent la féminité et leur absence la masculinité.
Bizarrement, barbes et moustaches sont rarement retenues, probablement parce que trop anatomiques.

Un coup d'œil rapide dans l'agora de cette université suffit à relever l'inadaptation de cette symbolique ancestrale.
Les cheveux masculins et féminins sont moins différenciés qu'auparavant et le pantalon est bien adapté, pour tous les sexes, au climat des Alpes en décembre.

J'en ai donc déduit que les portes de chiottes avaient été décorées de pictogrammes prévus pour l'été lorsque les filles sont en mini-jupes et que les T-shirts des mecs recouvrent leurs shorts.
Seul inconvénient de ce choix météorologique, la période estivale est celle des vacances universitaires.

Pictogrammo-sexuellement votre