samedi 26 mars 2016

Easyjet sévissait déjà sous Napoléon III

Le journal « Le Dauphiné - revue littéraire et artistique - courrier des eaux thermales de la région » est une mine d’information sur le quotidien du second empire, alors que la première révolution industrielle battait son plein.


Ainsi le numéro du jeudi 25 juillet 1867, nous annonce que l’établissement thermal d’Uriage à une douzaine de kilomètres de Grenoble pratique désormais, à l’instar de nos compagnies aériennes ou ferroviaires modernes, une tarification flexible des bains.
« Sous le régime de l’ancien tarif, le prix du bain était invariable.
Il en résultait un encombrement inévitable aux heures préférées du public. de là des plaintes et des récriminations.
[…]
Avec le nouveau tarif, cet inconvénient doit disparaitre.
Et nous nous hâtons de dire que l’expérience de ces vingt jours a déjà suffi pour confirmer la justesse de la prévision.
La légère augmentation de prix aux heures plus commodes a suffi pour en écarter un certain nombre de baigneurs plus soucieux de l’équilibre de leur budget que de leur commodité.
Le service moins encombré se fait mieux et en définitive tout le monde y gagne. »


Bien entendu, cette introduction du yield management est encore timide.
Loin des excès de Ryanair et Easyjet, la différence de prix entre heures creuses et heures de pointe n’est que de 17%.

Cette innovation marketing s’accompagne d’un petit cadeau destiné à faire passer la pilule auprès d’une clientèle rétive au changement : une serviette gratuite est incluse dans la prestation.

Le prix du bain - 1.5 francs - équivalait en 1867 à 8 heures de salaire ouvrier.
Autant dire que seuls quelques privilégiés pouvaient se permettre de barboter dans les eaux revigorantes d’Uriage .
D’ailleurs, chaque exemplaire du Dauphiné publie la listes des « étrangers », presque tous français, en villégiature. En pleine saison, leur effectif oscillait entre 150 et 200.

Désormais, les spas sont nettement plus abordables.
Une séance de piscine « thermo-forme » à Uriage coûte aux alentours de 7 €, trois quart d’heures de SMIC, 10 fois moins que sous le règne du regretté Napoléon III.

Il faut recourir aux soins du corps et massages qui se sont beaucoup développés pour atteindre les prix acquittés par les « baigneurs » du second empire.
Débourser 8 heures de SMIC permet de s’offrir en 2016 une heure de massage « modelage aux pierres chaudes vocaniques » ou bien une épilation poussée « sourcils + aisselles + maillot intégral + jambes complètes ».

Jacuzziquement votre

Références et compléments
Voir aussi d'autres billets sur l'évolution des prix au fil du temps :

Merci à Roland qui a dégotté la collection complète du journal Le Dauphiné de 1867.

Les tarifs de 2016 de l'Établissement Thermal d'Uriage proviennent de sa brochure en ligne intitulée "Centre d'Hydrothérapie".

L'idée d'étalonner les prix dans la longue durée avec les temps salariaux provient du livre de Jean Fourastié et Béatrice Bazil "Pourquoi les prix baissent ?" (Editions Hachette 1984).