lundi 7 janvier 2013

François Hollande allergique au numérique ?

En décembre dernier, le site internet de la présidence de la république française a été totalement refondu. Les gazettes ont fait leurs gorges chaudes de la disparition presque totale de toute trace du passage durant cinq ans de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.

Après avoir fureté sur ce rébarbatif site institutionnel, j'ai été beaucoup plus étonné par une autre absence. Aucune photo ne montre François Hollande ou ses ministres avec un ordinateur ou un smartphone.
Les rares instruments de travail visibles sont de volumineux dossiers papier. La seule exception que j'ai réussi à dégoter est le "séminaire de travail sur la situation économique et l'emploi" du 4 janvier 2013 où une éminence cravatée semble plus intéressée par son téléphone que par l'auguste parole présidentielle.

Personnellement, je ne conçois que deux hypothèses pour expliquer ce manque criant de numérique dans la communication visuelle de l'Élysée.

La première possibilité dénote le louable souci du gouvernement français de dynamiser l'économie nationale.
François Hollande, conscient que le patrimoine historique et culturel de la France constitue un atout de taille et participe à l'activité touristique cruciale pour l'emploi, aurait expressément demandé à ses services qu'aucun anachronisme ne puisse gâcher les images des palais et des ors de la République que le monde entier regarde avidement.
Dans ce cas, le président aurait donné aux photographes de strictes consignes. Pour garantir une qualité irréprochable, la cellule de presse retoucherait les photos avant publication afin d'y gommer tout appareil inopportun. Dûment prévenue, la garde républicaine fouillerait ministres, conseillers et autres visiteurs avant leur entrée dans les pièces d'apparat afin d'éviter d'y introduire le moindre microprocesseur.
La malencontreuse image du dernier séminaire gouvernemental serait due à l'inattention coupable d'un stagiaire mal remis de son réveillon de la Saint Sylvestre. Quant au retrait des images de Nicolas Sarkozy, il ne proviendrait pas d'une rancœur politique mais du goût immodéré du précédent président pour les SMS et les smartphones.

La seconde éventualité est beaucoup moins flatteuse pour l'exécutif.
François Hollande et les poids-lourds gouvernementaux souffriraient d'allergies aux TIC - Technologies de l'Information et de la Communication - et seraient restés d'indécrottables papivores supporteurs de la déforestation. Même la très verte Cécile Duflot se laisse immortaliser devant des piles de paplards.
Nos gouvernants feraient ainsi partie des seulement 15% de français n'utilisant pas l'informatique dans leur travail. Une preuve de plus que la classe politique n'est pas représentative de la société et se trouve coupée des réalités.
Seuls quelques originaux, à l'instar de Fleur Pellerin ministre en charge de l'économie dite numérique, seraient à l'aise avec les outils que l'on ne peut même plus qualifier de modernes. Toutefois, soucieux de ne pas froisser leurs collègues et employeurs, ces politiciens excentriques se garderaient bien d’apparaître en public en présence d'un écran.

Je redoute, malheureusement, que la seconde hypothèse soit la bonne.
Le site de l'Élysée, bien que payé par nos impôts, est régi par le régime classique des droits d'auteur et non pas par une licence libre de type Creative Commons.
La présidence de la république interdit, non seulement la reproduction, mais aussi la simple "représentation" des photos qu'elle publie et que nous finançons. C'est pourquoi je n'ai pu légalement illustrer cette chronique avec les photos que je commente.
Pour méconnaître qu'internet est un espace d'échange et de reprise de contenus en tous genres, il ne faut pas s'y rendre très souvent ...

Bien entendu, amis lecteurs, si vous échafaudez d'autres hypothèses expliquant la carence numérique de l'Élysée, les colonnes de ce blog vous sont ouvertes.
De même, si François Hollande, ou l'un de ses collaborateurs, souhaite réagir à cette chronique, je me ferais un plaisir républicain de reproduire numériquement ses propos.

Digitalement votre

Références et compléments
- Le site de la présidence de la république française est www.elysee.fr. J'y ai examiné toutes les photos dont les dates de publication sont situées entre le 15 novembre 2012 et le 5 janvier 2013.
La photo avec une éminence au smartphone du "séminaire de travail sur la situation économique et l'emploi" du 4 janvier 2013 se situe derrière ce lien.
Celle montrant les poids-lourds du gouvernement (en ces temps de tuberculose pachydermique lyonnaise, je n'ose les appeler éléphants) arrivant dans la cour de l'Élysée avec des dossiers papier se trouve au bout de cet autre lien.
D'après les informations légales du site élyséen, vous ne pouvez, en France, cliquer sur ces liens qu'après "consentement de la Présidence de la République". Pour obtenir cet imprimatur, je vous recommande d'écrire à François Hollande sur la page ad hoc du site présidentiel.
A l'inverse, si vous lisez cette chronique hors de France, les injonctions présidentielles n'ont aucune prise sur vous. Alors, allez-y gaiement !

- Les licences Creative Commons ont été créées en partant du principe que la propriété intellectuelle était fondamentalement différente de la propriété physique, et du constat selon lequel les lois actuelles sur le copyright étaient un frein à la diffusion de la culture et de l'information.
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Pour en savoir plus sur ces licences libres : article Wikipedia et site francophone Creative Commons.
Petit rappel : à l'inverse du site de l'Élysée, les chroniques Humeurs Mondialisées sont mises à disposition conformément à un contrat de licence Creative Commons 2.0 (paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique), c'est à dire que mes textes sont réutilisables librement et gratuitement par tout un chacun à condition de citer leur source.

- En recoupant diverses statistiques, environ 18 à 20 millions de salariés sur les 23 que compte la France utiliseraient régulièrement l'informatique dans leur travail, plus de 70% des foyers français sont connectés à internet et plus de 20 millions de personnes dans l'Hexagone sont équipées d'un smartphone.

- Voir aussi la chronique "Hommages de Hollande" sur l'inauguration du quinquennat de François Hollande