lundi 27 janvier 2014

Révolution de Tunisie : la fin du commencement

Ce matin, lors de la promulgation de la nouvelle constitution tunisienne par le parlement, la fille du député Mohamed Brahmi, lâchement abattu en juillet dernier, occupait symboliquement le fauteuil de son père.

La fille de Mohamed Brahmi devant une photo de son père à l'assemblée nationale constituante tunisienne le 27 janvier 2014.
Cette image forte est emblématique de la situation ambivalente de mon pays de cœur.

Les trois dernières années, depuis la révolution et la chute de Ben Ali en janvier 2011, ont connu quelques hauts et beaucoup de bas.

L'économie stagne et la sécurité s'est durablement dégradée.
Deux figures politiques, Chokri Belaïd puis Mohamed Brahmi, ainsi que de nombreux militaires et policiers ont payé de leur vie l'implantation de noyaux terroristes.
Les élus du scrutin de fin 2011 ont fourni un pitoyable spectacle qui a déçu beaucoup de tunisiens.
Le débat public, qui aurait du se concentrer sur les questions sociales et économiques, a beaucoup trop porté sur des thèmes religieux.
Les islamistes d'Ennadha ont été incapables d'assumer leur large victoire électorale et la charge gouvernementale. Les deux petits partis  qui s'étaient allié avec eux ont démontré leur inconsistance.
Dans le même temps, l'opposition n'a pas su s'entendre, dépasser les petites ambitions personnelles et proposer des projets crédibles.

Toutefois, cette épaisse grisaille est trouée par quelques lueurs ténues d'espoir.
Les élections ont été bien organisées et honnêtes.
La constitution, insuffisamment libérale et libertaire à mon goût personnel, est le fruit d'un long et filandreux mais réel processus de compromis politique. Malgré ses imperfections, elle stabilise beaucoup d'acquis.
Pendant toute la législature, l'association Al Bawsala (la boussole) a organisé un suivi minutieux des travaux parlementaires et les a retranscrit sur les médias électroniques. Cette action a été remarquable et mérite d'être soulignée.
Les tunisiens et les tunisiennes ont démontré dans cette période troublée leur capacité à s'auto-administrer et ne pas se laisser imposer l'inacceptable. Partout, la parole, naguère sous le boisseau, est libérée.

La fille de Mohamed Brahmi représente cette réalité complexe.
Elle voisinait ce matin des personnages qui ont, si ce n'est commandité l'assassinat de son père, a minima encouragé ses tueurs et échoué à le protéger.
Par ailleurs, son sourire et sa jeunesse sont le capital le plus précieux de la Tunisie.
Puissent les jeunes générations retrouver l'esprit du 14 janvier, remiser leurs aînés de toutes obédiences au magasin des accessoires, prendre le manche de l'acte II de la révolution et emmener leur nation vers l'avenir qu'elle mérite !

Tahia Tounes !
Tunisiquement votre

Références et compléments
- Les autres chroniques sur la Tunisie
- Merci à Jean le tunisophile de m'avoir encouragé à écrire cette chronique tunisienne.
- Un clin d'œil amical au tuniso-twittonaute Habib Sayah @Habsolutelyfree qui ne partage peut-être pas totalement mon optimisme.
- Retrouvez Al Bawsala sur le web et sur Twitter @AlBawsalaTN.