vendredi 8 janvier 2016

Fermer les frontières diminuerait le chômage

Les attentats et l'afflux de réfugiés ont ravivé en France le débat sur les contrôles systématiques aux frontières.
Hélas, ni les politiciens soutenant cette mesure, ni les journalistes qui les questionnent ne semblent se soucier de mise en oeuvre concrète.
Pour combler cette lacune, voici une évaluation chiffrée d'une clôture de la patrie du regretté André Maginot.

Poste de douane de Meyrin à la frontière franco-suisse près de Genève
(voir la chronique sur les confins de l'Union Européenne)

1 500 passages par minute

Tous les ans, au bas mot, 800 millions de personnes entrent ou sortent de notre bel Hexagone.

Ce gigantesque va-et-vient est comparable au départ du territoire national puis au retour, répétés tous les 2 mois, de l'intégralité de la population française, des nouveaux-nés aux centenaires.

Une illusoire fortification

Les djihadistes susceptibles de venir jusque dans nos bras égorger nos femmes et nos enfants seraient, d'après les gazettes, de l'ordre du millier.

Autrement dit, pour les bloquer, la police frontalière devrait effectuer ses vérifications avec une efficacité très nettement supérieure à 1 pour 1 million, soit 10 à 100 fois mieux que les exigences pour la pharmacopée ou les airbags.

Si nous faisons l'hypothèse optimiste que les forces de l'ordre ne se trompent qu'une fois sur 1 000 - c'est à dire que nos pandores sont aussi performants que les meilleurs examens médicaux - 800 000 personnes sans histoire seraient annuellement considérées à tort comme terroristes et devraient faire l'objet d'une enquête approfondie.
Soit, à peu près 4 suspects supplémentaires par policier ou gendarme français.
Le temps passé à dédouaner ces braves gens limiterait d'autant les investigations ciblées par effet de saturation de la police et de la justice.

Portail matérialisant la frontière France-Suisse vers Meyrin

2 fois plus de képis

Monitorer l'ensemble des passages frontaliers mobiliserait entre 20 000 et 40 000 argousins et gabelous, suivant la longueur des files d'attente que nous serions prêts à tolérer.

Ralentir la traversée des frontières provoquerait quelques menus dommages collatéraux puisque, sensiblement, un quart de notre consommation vient de l'étranger, qu'un quart de notre production quitte notre beau pays et que le tourisme emploie 1 français sur 12.

De surcroît, verrouiller les postes frontière sans surveiller étroitement les 3 000 km de limites terrestres ainsi que les 4 700 km de littoral de notre splendide métropole n'aurait aucune utilité.
Garder les pourtours de la France demanderait à peu près 50 000 patrouilleurs, c'est à dire l'équivalent de 5 dispositifs Sentinelle.

Remplir ces deux missions conduirait, grosso modo, à doubler l'actuelle gendarmerie nationale.
Toutefois, créer ces 90 000 postes de flics comblerait d'aise François Hollande à la recherche désespérée de l'inversion de la courbe des sans-emplois.

Il ne faut pas non plus oublier les passeurs basques, savoyards, jurassiens ou ardennais qui reprendraient un service, artisanal mais lucratif, de transport des personnes que le départ de la Wehrmacht et les accords de Schengen ont injustement mis à mal.

Un nouvel impôt

Selon toute vraisemblance, la gendarmerie bis affectée à la défense de nos frontières coûterait autant que sa sœur aînée, environ 8 milliards d'euros annuels.

Au 1er janvier, sous peine de déchéance de nationalité, chaque français devrait verser volontairement une obole obligatoire de 125 € pour financer ces nouveaux poulets qui transformeraient la France en camp retranché, sans pour autant diminuer le terrorisme.

Daech et consorts veulent nous faire perdre la raison.
Résister à ces crétins barbares ne sera possible que si nous ne conservons nos pieds au sol et notre clairvoyance.

Réalistement votre

Références et compléments
Voir aussi d'autres chroniques ayant pour thèmes les frontières :


Malgré une recherche fouillée sur le web, je n'ai pas réussi à trouver des statistiques fiables sur le franchissement des frontières françaises.
Mon évaluation de 800 millions de passages annuels provient de l'agrégation de :

  • 85 millions de touristes et 120 millions d'excursionnistes étrangers chaque année.
    L'excursionniste est, pour le statisticien, un visiteur venu une journée et ne passant pas de nuit sur le territoire français alors que le touriste, lui, dort au pays de Novotel.
  • Environ 700 000 frontaliers français allant quotidiennement travailler dans un pays limitrophe.
    Les chiffres concernant cette catégorie de personnes sont très flous et varient du simple au triple.
    Les frontaliers étrangers travaillant en France n'ont pas été comptés.
  • Une trentaine de millions de français non frontaliers se rendant à l'étranger.
    Les valeurs sur ce point sont encore plus vaseuses.

Au final, 800 millions de passages me paraît être proche de la valeur réelle qui se situe dans une vaste fourchette allant de 500 millions à 1.2 milliards, voire plus.

L'estimation des effectifs policiers pour garder les frontières repose sur les hypothèses plus roses que grises :

  • 1 minute en moyenne pour contrôler une personne à la frontière.
  • "Taux de service" compris entre 25% et 50% pour limiter, mais pas supprimer, les files d'attente.
  • 2 hommes au kilomètre pour surveiller les frontières terrestres et un seul pour le littoral avec une organisation en 5 équipes pour assurer la permanence.

André Maginot est un homme politique français connu pour avoir initié la construction des fortifications frontalières baptisées "ligne Maginot" qui, comme chacun sait, ont parfaitement protégé la France en 1940 des assauts de l'Allemagne nazie.

Mes principales sources sont WikipediaGoogle et l'INSEE.

Merci à Jean et Dominique qui, autour du tasse de café, m'ont aidé à finaliser cette chronique numérico-frontalière.