dimanche 3 avril 2016

Syndicats et patronat français consternantes coquilles vides

L’actuel débat stérile sur la loi dite « travail El Khomri » illustre, jusqu’à la nausée, l’absence de dialogue social et sociétal constructif en France.
Ce vide abyssal vient pour bonne part de la faiblesse des organisations syndicales et patronales qui, dépourvues de bases sur lesquelles s’appuyer, sont incapables d’une quelconque négociation.

Comme à l’habitude, je vous propose d’employer la froide rigueur des chiffres pour aborder ce sujet passionnel.

Des syndicats non représentatifs

Les organisations françaises de salariés s’illustrent par le nombre microscopique de leurs adhérents.

Le derniers chiffre à peu près fiable - vieux de presque 15 ans - est de 790 000 syndiqués dans le secteur privé, toutes obédiences confondues.
En le rapportant aux 2.9 millions de chômeurs additionnés aux 17.8 millions de salariés, on obtient un ratio de syndicalisation inférieur à 4%.

Les dirigeants syndicaux minimisent l’impact de ce score rachitique en arguant d’une spécificité hexagonale. Leur légitimé, à l’instar de celles des politiques, proviendrait des élections professionnelles et non des adhésions.

Les faits contredisent ce discours lénifiant.
4 salariés du privé sur 10 sont privés de démocratie sociale puisque seuls 12 millions sur 20 peuvent voter pour désigner des représentants.
Le taux d’abstention de ces heureux inscrits dépasse 60%

Tous comptes faits, plus de 3 français concernés sur 4 se situent involontairement ou délibérément en dehors du fait syndical.
À titre de comparaison, 8 électeurs sur 10 ont participé à la présidentielle de 2012.

Participation aux élections professionnelles dans les entreprises françaises entre 2011 et 2013 ramenée au total des chômeurs et des salariés du secteur privé

Les suffrages exprimés par le quart des salariés du privé se dispersent sur 7 syndicats principaux.

CGT et CFDT arrivent en tête et représentent chacune 1 salarié sur 15.
Quand Laurent Berger (CFDT) est présenté dans les gazettes comme le ministère du travail bis et son compère Philippe Martinez (CGT) comme le principal opposant à la casse sociale, cela laisse songeur.

La très vocale FO n’attire les suffrages que d’un travailleur sur 25. Avec un tel soutien, son lider maximo Jean-Claude Mailly serait bien inspiré de baisser d’un ton.

Les rachitiques CFE-CGC et CFTC se situent à environ 1 sur 45. Une loupe permet de détecter UNSA et Solidaires autour du pour-cent.

Résultats des élections professionnelles dans les entreprises françaises entre 2011 et 2013 ramenés au total des chômeurs et des salariés du secteur privé

Le roi patronal encore plus nu que le roi syndical

Pour éviter soigneusement toute contestation, les organisations patronales françaises - MEDEF, CGPME, UPA - ne publient aucun chiffre vérifiable d’adhésion.

Leurs organisations - probablement issues des amours incestueuses entre raffineries et usines à gaz - semblent construites pour permettre à une bureaucratie de prospérer sans jamais rendre de comptes.

Des sondages réalisés par le ministère du travail peinent à établir des données acceptables.
Leurs résultats observés avec des lunettes très roses donneraient un taux d’adhésion autour de 40%. Un regard moins amène situe le score entre 10% et 20% avec de fortes disparités sectorielles.
Le plus étrange est que certaines entreprises sont simultanément membres de plusieurs organisations patronales. On n’est jamais trop prudent !

Les élections aux chambre de commerce et d’industrie (CCI) pourraient constituer une mesure de l’audience du MEDEF et de ses acolytes.
Les 17% de participation - 1 établissement employeur privé sur 6 - sont cohérents avec les adhésions.
Pour éviter d’exposer au grand jour la faible représentativité des syndicats patronaux, les candidats et les élus aux CCI restent discrets sur leur(s) appartenance(s) et aucune analyse post-électorale n’est effectuée.

Le ton péremptoire de Pierre Gattaz (MEDEF) est un rideau de fumée camouflant les maigres effectifs de chefs d'entreprise qui le soutiennent.

Participation aux dernières élections aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) de 2010 ramenée au nombre d'établissements employeurs privés en France

Et dire que ce petit monde étriqué - syndical et patronal - est officiellement jugé « représentatif » et apte à signer des accords modifiant nos conditions professionnelles et personnelles de vie  ...

Démocratiquement et énerviquement votre

Références et compléments
Voir aussi la chronique « les syndicats derniers bastion du surréalisme ».
Je remercie les fidèles lecteurs qui, à l’issue de sa publication, m’ont incité à écrire celle-ci.

Les chiffres, arrondis pour faciliter leur compréhension, ont été obtenus en croisant et recoupant de multiples données et rapports de l’INSEE, de l’ACOSS, du ministère du travail, de Wikipedia et du réseau des CCI de France.
Seul le secteur privé a été analysé dans ce billet.

Qui aime bien, châtie et rigole bien !
L’auteur - réservoir ambulant de contradictions - adhère à un des fort peu représentatifs syndicats cités dans cette chronique statistique.