mercredi 11 mai 2016

Les juristes réussiront-ils à se passer du papier ?

Cinq millénaires de papyrus, parchemins et papiers nous ont durablement façonnés.
Même si, en peu de décennies, le numérique a rempli nos vies, le paplard reste encore bien présent dans nos têtes.
Jugez sur pièces.

Lire un mail pourrait nuire gravement à notre santé juridique

Beaucoup de mails professionnels se terminent par un avertissement légal, ce que les anglo-saxons appellent un "disclaimer", en quelque sorte une déclamation.

Voici, par exemple, le texte récemment dégotté au bas d'un échange de courriels avec un cabinet juridique.
Les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci sont couvertes par le secret professionnel quels que soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique, etc.).
Ce message peut contenir des informations confidentielles destinées à l'usage exclusif du destinataire.
Si vous le receviez par erreur, merci de bien vouloir nous en avertir immédiatement par téléphone ou messagerie, de le détruire et de n'en divulguer le contenu à quiconque.
Paradoxalement, ce genre d'admonestation se situe toujours à la fin.
En prendre connaissance nécessite d'avoir lu complètement le message.

Les aiguillages postaux ne sont pas toujours bien huilés

Lorsque les avocats communiquaient par lettre, de telles mises en garde se justifiaient.

Même si l'acheminement postal s'était, dans la durée, perfectionné pour limiter les erreurs - via les enveloppes à fenêtre limitant les soucis d'adressage et les envois recommandés s'assurant du destinataire - de temps à autres, le sytème pouvait cafouiller.
Ainsi, il m'est arrivé de trouver dans mon propre courrier un pli destiné à un voisin.

Les mails aboutissent toujours chez leur destinataire mais lequel ?

À l'inverse du courrier physique, les mails sont systématiquement acheminés à bon port.
En une vingtaine d'années, je n'ai encore jamais reçu un message destiné à une autre adresse que la mienne.

Par contre, j'ai, plusieurs fois, expédié un courriel à une personne qui n'était pas celle à laquelle je destinais ma prose.
Je dirais même plus, la saisie semi-automatique conduit facilement à diriger vers Dupond le mail prévu pour Dupont.

J'ai ainsi récemment réceptionné une demande de confirmation de licenciement que, probablement, un quasi-homonyme aurait du valider.
Mais comment en être certain puisque la plupart des mails débutent par un simple bonjour non nominatif, voire sans aucune formule de politesse.


Des avertissements open bar

Un peu surpris par la question qui m'était posée, mais néanmoins soucieux de rendre service, je me suis empressé de soustraire mon correspondant inconnu au dilemme qui semblait le tarauder.
Sans délai ni état d'âme, je l'ai enjoint de procéder illico à l'exclusion programmée.

Ce faisant, j'ai, à la lettre, respecté le "disclaimer" proclamant "si vous receviez ce message par erreur".
En effet, le mail m'a été délibérément adressé par son expéditeur, sinon je n'aurais jamais pu le consulter.

Mieux vaudrait prévenir techniquement que guérir juridiquement. Aussi les avocats et autres personnes de loi, par ailleurs en voie d'ubérisation, gagneraient à revoir leur copie numérique.

En lieu et place des blablas légalistes de fin de message, des vérifications informatiques pourraient aisément être mises en place avant l'envoi de courriels sensibles.
Elles s'assureraient de la présence d'un en-tête nominatif cohérent avec l'adresse mail et alerteraient en cas de possible homonymie.

Déclamationnellement votre

Post Scriptum
Si une erreur s'était glissée dans la recopie en début de chronique du "disclaimer", par ailleurs parfaitement authentique, merci de bien vouloir m'en avertir immédiatement par téléphone ou messagerie, de détruire ce post de blog et de n'en divulguer son contenu à quiconque.

Références et compléments
Dupond et Dupont sont l'oeuvre de Hergé, le dessinateur de Tintin.