lundi 11 janvier 2016

Tentative d'explication de la laïcité en France à mes amis hors de l'Hexagone

"Ceux qui suivent leur conscience sont de ma religion et je suis de la religion de ceux qui agissent bien"
Henri IV, vers 1598
Les attentats en série et leurs séquelles à travers le monde ont remis au premier plan la "laïcité".
Cette singularité française, peu traduisible dans une autre langue, est souvent mal connue, donc peu comprise, en dehors - et parfois au sein - des frontières du pays de Voltaire.

Aussi amis lecteurs de Tunisie, d'Italie et d'un peu partout ailleurs, je vais essayer, avec mes modestes moyens, de vous initier à ce mystère insondable.

Le fruit d'une histoire religieuse tourmentée


Diversité religieuse et athéisme

Depuis des lustres, la France est un grand bazar de la bonne et de la mauvaise foi.

De multiples communautés juives sont établies dans l'Hexagone depuis l'époque romaine.
À la Renaissance, l'éclosion du protestantisme a rompu le monopole du catholicisme.
Et de 1815 à aujourd'hui, les vagues successives d'immigration ont singulièrement élargi la palette religieuse.

De surcroît, dès le 18ème siècle, la non croyance a grignoté des parts de marché de plus en plus conséquentes.
Ainsi, de 1750 à la Révolution française, de multiples curés d'Île de France indiquaient, dans leurs rapports à l'évêché, que présence à la messe et confessions diminuaient sans véritable réprobation sociale.
La toponymie urbaine est d'ailleurs le reflet de cette propension nationale à l'incroyance.
Beaucoup de rues et de places portent le nom de personnages illustres à l'athéisme et, parfois même, à la haine de la religion revendiqués : Robespierre, Jules Ferry, Jean Jaurès, Georges Clémenceau, Léon Gambetta, Émile Zola, Victor Hugo, Léon Blum, Jean Moulin, Pierre et Marie Curie, Louise Michel, Marcellin Berthelot ...
Aujourd'hui, près de 2 français sur 3 se déclarent hors religion.

Violents conflits

Les sinistres guerres de religion entre protestants et catholiques, symbolisées par le massacre de la Saint Barthélémy en 1572, ont ensanglanté le 16ème siècle.
Quelques décennies plus tard, Louis XIV tenta avec ses "dragonnades" d'en finir par la violence avec les disciples de Calvin. Une fraction importante des protestants quitta alors la France pour les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Afrique du Sud.

Lors de la Révolution française, puis sous la Commune de Paris en 1871, l'église catholique et une partie de ses fidèles furent victimes de persécutions, dont la guerre civile en Vendée dans les années 1790 fut l'apogée.
La séparation des églises et de l'état après 1905 s'est accompagnée de bruits de bottes et de sérieuses échauffourées.

Un antisémitisme grandissant a entaché la fin du 19ème siècle et la première partie du 20ème. Il a débouché sur la déportation en masse de juifs par Pétain, Laval et les nazis durant le second conflit mondial.

Agnostiques, incroyants et déviants ont été pourchassés par l'inquisition et la monarchie jusqu'au milieu du 18ème siècle.
La torture et l'exécution publiques, dénoncées par Voltaire, du chevalier de la Barre en 1766 furent le dernier emblème d'une longue série à laquelle il faudrait ajouter la persécution des cathares, vaudois et sorciers de toutes obédiences.

Longue marche en zigzag vers la laïcité

Heureusement, des porteurs de paix et de tolérance ont, à plusieurs reprises, interrompu cette litanie de massacres et malheurs.

En 1598, en signant l'Édit de Nantes, Henri IV mit fin aux guerres de religion.
En garantissant aux protestants la liberté de conscience, ce texte, très moderne dans son essence, créait la distinction entre le sujet politique, qui doit obéissance à son roi, et le croyant, libre de ses choix spirituels remisés dans la sphère privée.
Même, si une soixantaine d'années plus tard, Louis XIV, petit-fils d'Henri IV, tenta de revenir en arrière, le ver était dans le fruit et le droit divin catholique de la monarchie était irrémédiablement fêlé.
“Henry par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre [...] ordonnons [...] à tous nos sujets [de] se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d'être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public”.
Henri IV - Extrait de l'article 2 de l'Édit général de Nantes d'avril 1598
Original de l'Édit Général de Nantes proclamé par Henri IV en avril 1598

La Révolution française a instauré la citoyenneté pour tous.
Les religions minoritaires acquirent définitivement droit de cité et les agnostiques furent nombreux parmi les leaders du nouveau régime.
"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses."
Extraits des articles 1 & 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen d'août 1789, désormais intégrée à la constitution française
Deux mesures symbolisent cette autonomisation de l'individu par rapport aux communautés religieuses.
D'une part, les registres d'état-civil furent soustraits aux curés, pasteurs et rabbins pour être confiés aux mairies. D'autre part, le mariage civil fut institué et rendu non seulement obligatoire mais aussi préalable à tout mariage religieux.
Les régimes monarchiques qui se succédèrent ensuite, malgré leurs envies, ne réussirent pas, au grand dam du Vatican, à faire rentrer le dentifrice dans le tube.

Le catholicisme ayant marqué fort peu d'entrain au rétablissement de la démocratie et de la république après la chute de Napoléon III en 1871, la partie athée de la classe politique et de l'opinion bascula dans l'anticléricalisme, plus souvent agressif que modéré.
Le projet laïc était clairement de supprimer l'emprise de la religion catholique sur la société.

Caricature anticléricale de la fin du 19ème siècle

Beaucoup de protestants et de juifs s'associèrent aux anticléricaux car ils y virent l'opportunité de sortir de leur position plus tolérée qu'acceptée ainsi que de la tutelle de l'état.
Quelques rares catholiques “non cléricaux”, autour de Marc Sangnier et de son mouvement le Sillon, se sont aussi joints au camp dit laïque.

La laïcité française est donc issue d'un compromis politique improbable entre toutes les nuances de la gauche et du centre de la fin du 19ème siècle, liguées contre le conservatisme catholique aux importants relents monarchistes.
Dans ce rassemblement disparate, les anticléricaux virulents voisinaient des républicains abstraits, des libéraux et des minorités religieuses.

Lettre du 31 janvier 1849 adressée depuis une zone protestante dans le sud de l'Isère au Sous Directeur des Cultes non catholiques au Ministère de l'Instruction Publique et des Cultes.
Au milieu du 19ème siècle, l'état français conservait une vraie mainmise sur les religions, que ce soit le catholicisme majoritaire, mais aussi le protestantisme et le judaïsme minoritaires.

Le débat - ou plutôt le combat - fut alors acide et acéré. Cette période de très fortes convulsions est appelée par les historiens "la guerre des deux France".
Polémistes et caricaturistes faisaient feu de tout bois, maniant plus le premier que le second degré.
Par rapport à leurs prédécesseurs du 19ème siècle, les regrettés dessinateurs de Charlie Hebdo font figure de doux rédacteurs d'albums pour jeunes filles.

Caricature anticléricale de la fin du 19ème siècle

En 1881-1882 fut créé, sous la houlette du très colonialiste Jules Ferry, l'enseignement public, laïc - le mot est lâché - et obligatoire de manière à ancrer le régime républicain et, surtout, à diminuer l'influence de l'église sur la jeunesse.

Dans les années qui suivirent, les textes législatifs anticléricaux se sont succédés à un rythme soutenu.
En 1901, une loi emblématique institua la liberté d'association, sauf pour les congrégations religieuses dont la plupart furent réputées dissoutes. En conséquence, 30 000 des 160 000 moines et moniales s'exilèrent hors de France.
En 1903, les congrégations catholiques rescapées furent interdites d'enseignement.

Ce mouvement vers la laïcité culmina le 9 décembre 1905 avec le vote de la loi de séparation des églises et de l'état, toujours en vigueur.

Dessin de presse paru au moment de la séparation des églises et de l'état en 1905

La querelle dite religieuse resta vivace jusque dans les années 1920 et ne s'est définitivement éteinte que dans les années 1970-1980.
Je me souviens que, dans le village de l'Oise où j'habitais enfant dans les années 1960, lors des enterrements, une partie importante du cortège - essentiellement des hommes - ne rentrait pas dans l'église et allait ostensiblement au bistrot d'en face pendant la messe pour le défunt.

Un principe très simple : état et religions, chacun chez soi !

La laïcité française est la stricte distinction entre, d'une part, les religions et croyances et, d'autre part, l'état et le politique.

Ce concept repose sur deux piliers exprimés de façon lapidaire au début de la loi de 1905.
“La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes.
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.”

Extraits des articles 1 et 2 de la loi de 1905, toujours en vigueur
Ces principes sont désormais intégrés dans l'actuelle constitution française.
“La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.”
Article 1 de la constitution du 4 octobre 1958, toujours en vigueur
La première mouture de la loi de 1905 était franchement anti-religieuse dans ses détails ou, plus exactement, anti-catholique.

Couverture de "la Lanterne" - journal républicain anticlérical" - fin du 19ème siècle

L'état est devenu, séance tenante, propriétaire de tous les édifices ecclésiastiques et a utilisé la force pour appliquer la nouvelle législation.
Les religions ont été sommées d'adopter une organisation dite en "association cultuelle", copiée sur celle du protestantisme et destinée à casser la hiérarchie pyramidale du catholicisme.
Ces dispositions, refusées en masse par les catholiques, ont suscité une forte résistance et des bouffées de violence avec plusieurs victimes.

Affrontements entre soldats et émeutiers catholiques autour de l'église de Quessoy dans les Côtes d'Armor en Bretagne, le 10 mars 1906, lors de la "querelle des inventaires".

Petit à petit, une politique "d'apaisement" et "d'accommodements raisonnables" se mit en place. La loi de 1905 fut retouchée plusieurs fois et devint, comme le dit à l'époque Aristide Briand, areligieuse.

Une pratique en 5 points

Au delà des principes généraux, 5 axes concrets fondent la laïcité française au jour le jour.

1) Liberté absolue de conscience

Tout un chacun est totalement libre de croire ou de ne pas croire à ce qu'il souhaite et de changer d'avis autant qu'il lui sied.

Symétriquement, tout un chacun est aussi tenu de respecter et de ne pas entraver les pratiques et les croyances religieuses de ses concitoyens.
Les articles 31 & 32 de la loi de 1905 sont très clairs et détaillés sur ces derniers points. Ils punissent d'emprisonnement toute tentative de pression directe sur des individus en faveur ou contre une religion.

Toutefois, la liberté de conscience suppose aussi la liberté complète d'expression.
Aussi la critique et l'apologie publiques de croyances sont autorisées, sans autre restriction que les menaces ou appels à la haine à destination de personnes.

Autrement dit, je peux, dans les colonnes de ce blog, de manière parfaitement légale, chanter les louanges d'Ahura Mazda, le Dieu du zoroastrisme.
Je peux aussi clamer que cette divinité et son prophète Zarahoustra, au même titre que tous les autres d'un acabit identique, sont des inventions humaines sans message crédible.
Je peux même blasphémer en affirmant qu'un dieu - sans majuscule - qui possède un nom de pile électrique et de voiture japonaise manque de sérieux. Je peux, semblablement, soutenir qu'il faut être sacrément ahuri pour suivre Ahura.
Par contre, je ne peux, en aucun cas, appeler les fidèles lecteurs de ces chroniques à aller perturber une cérémonie du naojote. Je ne peux pas plus, afin de complaire au sympathique régime théocratique des ayatollahs iraniens, vous inciter à casser la figure du premier zoroastrien qui passe.

Bien entendu, ce que je viens d'énoncer pour le zoroastrisme vaut pour toutes les formes et variantes d'athéisme, de christianisme, de judaïsme, d'islam, de bouddhisme, d'hindouisme, de confucianisme, de taoïsme, de chamanisme, de rose-croix, j'en passe et des meilleures ...

En pratique, appartenance religieuse et croyances ne peuvent être demandées dans la vie courante.
Toutes les démarches administratives sont strictement areligieuses. Depuis 1872, les recensements officiels ne font plus mention de religion.

De même, employeurs, hôpitaux, banques, assurances et autres organismes ne peuvent s'enquérir de votre spiritualité ou vous traiter différemment en fonction de celle qu'ils vous supposent.
Ainsi, au contraire de l'Italie ou de l'Inde, il est très rare de trouver un quelconque signe religieux dans les locaux d'une entreprise, à l'exception notable des boutiques des monastères ou des commerces halal et kasher.

2) L'état n'intervient pas dans les religions

Depuis 1905, l'état français ne se mêle plus de religion. Il ne rémunère plus les clergés, n'intervient plus dans les décisions des différentes confessions et s'interdit de financer tout nouveau bâtiment cultuel.

Toutefois, les pouvoirs publics sont propriétaires de tous les édifices religieux existants en 1905 et en assurent l'entretien.
Paradoxalement, cette disposition a enlevé une belle épine financière du pied du catholicisme, et, dans une moindre mesure, du protestantisme et du judaïsme. Avec la chute du nombre de fidèles, et donc des ressources monétaires, l'église serait, aujourd'hui, bien en peine d'entretenir toutes ses églises.

L'islam, absent de France métropolitaine en 1905, se plaint parfois de distorsion de concurrence. Il doit supporter, avec exclusivement ses propres moyens, investissement et entretiens immobiliers dont ses compétiteurs sont dispensés.

3) Stricte neutralité religieuse et spirituelle de l'état

Dans tous ses actes, l'état doit se tenir à égale distance de toutes les croyances et incroyances.

De ce fait, aucun bâtiment ou service public ne peut présenter de symboles religieux, à l'exception des édifices historiques antérieurs à 1905.
Impossible, par exemple, de trouver en France un crucifix dans un commissariat de police comme votre serviteur a pu l'observer en Irlande.

De même, les agents de l'état, dans l'exercice de leurs fonctions, ne peuvent arborer de signes religieux, effectuer une quelconque propagande spirituelle ou vous interviewer sur votre foi.

Pas question que les billets de banque portent une devise religieuse comme aux USA.

Pas question de permettre aux femmes sapeurs-pompiers de se voiler comme en Tunisie ou aux policiers de s'enturbanner comme en Inde.

Pas question lors d'un mariage civil en mairie d'effectuer, comme en Tunisie, une quelconque prière ou action religieuse.

Pas question, non plus, que président, ministres et élus insèrent dans un discours une référence à un texte sacré, comme aux USA ou en Tunisie. L'homme ou la femme politique d'envergure nationale qui effectuerait un signe de croix au début d'une intervention publique, signerait aussi la fin de sa carrière.

4) L'école publique, un sanctuaire inaccessible aux religions

Bien entendu, comme tous les autres services de l'état, les écoles publiques sont mises délibérément en dehors du champ religieux.

Toutefois, les fondateurs et promoteurs de l'école publique vers 1880 - majoritairement anti-religieux - ont voulu aller au delà et en faire un instrument du combat anticlérical.
Les instituteurs - surnommés les "hussards noirs de la République" - se sont longtemps confrontés aux curés dans de nombreux villages et ont été les porteurs de l'idéal laïc.

Malgré les années écoulées et l'extinction de la querelle religieuse, cette conception stricte de l'éducation publique a toujours cours aujourd'hui et fait consensus chez une majorité de français.
"Il faut que les élèves aient le plaisir d'oublier leur communauté d'origine et de penser à autre chose que ce qu'ils sont pour pouvoir penser par eux-mêmes.
Si l'on veut que les professeurs puissent les y aider, et l'école rester ce qu'elle est - un lieu d'émancipation -, les appartenances ne doivent pas faire la loi à l'école."

Appel au sujet de laïcité de 1989 signé par de nombreuses personnalités académiques
Pour permettre aux jeunes de développer leur esprit critique à l'abri de leurs familles et de leurs communautés, les cours de l'école publique doivent être strictement sans connotation spirituelle.
Il est aussi demandé aux élèves, pendant le temps scolaire, de faire abstraction de leur appartenance religieuse ou idéologique et de ne pas la montrer.
Je me souviens qu'à l'école primaire, les instituteurs obligeaient ceux de mes camarades qui portaient autour du cou une chaîne avec une croix de la rentrer dans leur chemise afin qu'elle ne soit plus visible.

Depuis 2004, suite aux furieuses polémiques à propos des voiles dits islamiques, la législation a été amendée pour refléter formellement dans un texte ces principes ancestraux.
“Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.”
Article L141-5-1 du 15 mars 2004 du code de l'éducation, toujours en vigueur
Pour les familles ne souhaitant pas se plier aux exigences laïques, il existe de très nombreuses écoles confessionnelles privées non soumises ces règles publiques.
Il y a environ 9 000 établissements catholiques qui scolarisent 2 millions d'élèves sur un total de 12. La communauté juive opère 280 écoles recevant 30 000 élèves. Une vingtaine d'établissements islamiques accueillant 2 000 élèves sont venus s'ajouter récemment.

5) Les religions hors du champ étatique et politique

La laïcité trace une distinction nette entre le domaine spirituel, d'ordre privé et individuel, et le domaine politique, de nature publique et collective.

Au fil du temps, l'état a retiré aux cultes toutes les fonctions non directement religieuses : mariages, tenue de l'état-civil, monopole de l'enseignement…

La loi de 1905 a institué des limites encore plus nettes entre exercice de la religion et pratiques politiques.
"[Interdiction] de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte.
[Interdiction à un] ministre d'un culte qui, dans les lieux où s'exerce ce culte, [de] publiquement, par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outrager ou diffamer un citoyen chargé d'un service public.
[Interdiction des] discours prononcés ou écrits affiché ou distribués publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, [contenant] une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou [tendant] à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres."

Extraits des articles 26, 34 et 35 de la loi de 1905, toujours en vigueur
Pour combattre judiciairement l'incitation au terrorisme d'inspiration religieuse, nul besoin de nouveaux textes, cette loi emblématique et séculaire suffit.

Une réalité nuancée

Souvent en France, pays de Descartes mais aussi du Système D, les beaux principes se contorsionnent pour s'adapter à des réalités sociales complexes.
La laïcité n'échappe pas à cette pesanteur.

Des jours fériés majoritairement catholiques

Sur les 11 jours officiellement chômés en France, 5 sont des dates civiles et 6 des fêtes catholiques.

Tant pis pour les protestants obligés de fêter le 15 août la Glorieuse Assomption de la Très Sainte Vierge Marie et le 1er novembre la Toussaint.

Tant pis pour les athées mondialisés, antimilitaristes et paresseux qui doivent observer le jour de l'an, la fête du travail le 1er mai, la fête nationale le 14 juillet et les commémorations de la fin des deux guerres mondiales.

Tant pis aussi pour les orthodoxes, juifs, musulmans, bouddhistes, hindous et autres zoroastriens absents du calendrier officiel.

Un enseignement confessionnel quand même très laïc

L'immense majorité des écoles privées confessionnelles sont dites "sous contrat".
Seuls 2% des enfants fréquentant l'enseignement privé - c'est à dire 3 élèves sur 1 000 tous modes d'enseignement confondus - sont accueillis par un établissement "hors contrat".

Une école "sous contrat" a passé un accord avec l'état.
Celui-ci assure la rémunération de ses enseignants et une partie de l'entretien de ses locaux, ce qui réduit nettement les frais de scolarité à la charge des familles.
En échange, l'établissement, bien que conservant son "caractère propre", garantit que l'enseignement y est dispensé "dans le respect total de la liberté de conscience" et que "tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances" peuvent s'y inscrire.

Des écoles de l'oxymore en quelque sorte puisqu'elles sont simultanément privées, confessionnelles, publiques et laïques !

Alsace et Moselle hors laïcité

En 1905, l'Alsace et la Moselle faisaient partie de l'Empire d'Allemagne qui les avait conquises en 1870-1871.
Sur le plan religieux, ces régions conservaient alors le régime dit de concordat établi par Napoléon Ier au début des années 1800.

En 1919, après la première guerre mondiale, pour faciliter le rattachement de ces territoires à la France, il a été décidé de ne pas y appliquer la législation laïque de séparation des églises et de l'état.

Aussi, autour de Strasbourg et Metz, une sorte de délit de blasphème a toujours une existence léglemême si la mesure n'est plus appliquée.
Curés, pasteurs et rabbins continuent à être salariés par une République qui pourtant proclame haut et fort de ne jamais le faire.
Mieux même, les évêques catholiques sont officiellement nommés par le président de la république française, qui est le dernier chef d'état au monde à posséder ce privilège suranné.

Votre serviteur - pur et fier produit de l'école publique, laïque et obligatoire - est quelque peu mal à l'aise qu'une partie de ses impôts finance des clergés, même s'il s'agit des sommes minimes.

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Voilà, chers amis lecteurs hors de l'Hexagone, ce voyage au coeur de la laïcité française touche à sa fin.
J'espère qu'il vous aura un peu éclairé sur les étranges coutumes des compatriotes de Voltaire et de Georges Clémenceau.
Vos commentaires et questions sont, par avance, les bienvenus et pourront, le cas échéant, fournir un prétexte à écrire une suite à cette chronique.

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Références et compléments
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- Crédits images
  • Le chêne quessoyais pour la photo des affrontements de 1906 en Bretagne lors de la querelle des inventaires
  • Wikimedia Commons pour les caricatures et l'édit de Nantes
  • histoirepostale.net pour la lettre de 1849